Septembre 2023

La vague d'étrave, tumultueuse et blanche, ouvre délicatement le chemin puis s'étire paresseusement le long des flancs de notre embarcation formant à l'arrière un beau et long sillage mousseux. La mer ondule légèrement sous l'effet d'un reste de houle de sud. L'astre solaire sur notre gauche, devant nous, s'élève péniblement au-dessus de l'horizon comme à regret. Il essaye de percer les petits nuages qui parsèment le ciel. Dans le lointain, toujours sur notre gauche, au-delà du cap Bénat, la silhouette du Levant et de Port-Cros ne forme qu'une masse indistincte sombre et bleutée. À notre droite, c'est la presqu'île de Giens qui semble rejoindre Porquerolles dans un dernier élan. Quelques gabians traversent le ciel en direction des marais salans des Pesquiers. Une plongée ne commence pas uniquement lors de l'immersion. En réalité, elle fait partie d'un tout comprenant le temps de navigation avant et le temps du retour... souvent gourmand.

Le point de destination n'est plus qu'à 50 mètres. Nous attendons avec impatience l'instant où nous allons basculer dans un autre monde, le monde des aquanautes. C'est le moment le plus pénible. Le poids de notre réserve d'air se fait sentir, tirant plus ou moins douloureusement sur les épaules. Enfin le signal. Nous pouvons quitter le pont solide pour nous enfoncer dans l'élément liquide, supprimant instantanément la gravité. La descente commence. Faire passer les oreilles, insuffler de l'air dans le masque, mettre en oeuvre le matériel de prise de vue, surveiller les partenaires de Palanquée, gonfler régulièrement le gilet stabilisateur, bref, se mettre en état pour profiter, au maximum, des quelques minutes que nous allons passer au fond.

Nous arrivons dans un nuage de Bogues qui nagent en tous sens. Sur la gauche, un splendide piton rocheux s'élève du fond en forme de pain de sucre. À droite, une falaise quasi verticale plonge vers le fond sableux trente mètres plus bas. Les Anthias nous ouvrent la route le long de l'à-pic. Un filet recouvert par les concrétions est suspendu au sommet. Il descend verticalement jusqu'au fond. Les Gorgones ont réussi à s'accrocher aux mailles et prospèrent suspendues loin de la roche.

À l'abri d'un ressaut, un Serran chèvre recule lentement pour disparaitre à nos yeux. Dans une anfractuosité, une petite Langouste agite ses antennes en quête d'information. Nous passons au-dessus d'un palier recouvert par de grandes Gorgones et plongeons dans le noir pour rejoindre le fond. Un Saint-Pierre fait subitement son apparition derrière un reste de filet et nous accompagne. Sur le fond sableux, des centaines d'Oursins lance rouge forme un tapis tout hérissé. Plus loin un splendide Rouget-barbet repose sur le fond, nullement inquiet de notre présence. Il a juste un regard furtif dans notre direction.

Un Gobi de Kolombatovic passe rapidement et s'arrête à côté d'une Bonellie. Un Oursin melon s'accroche à la roche presque sur le sable. Nous continuons notre progression sur le fond en remontant légèrement. Un autre Saint-Pierre nous attend. Décidément, c'est une année faste pour le Saint-Pierre. Nous en avons croisé six depuis le mois de novembre dernier.

Nous commençons notre remontée le long de la paroi. Elle est recouverte par des Éponges cavernicoles jaunes et des Gorgones pourpres aux extrémités jaunes. Presque au sommet de la roche nous rejoignons les Anthias qui sont ici présents en nombre. Une Mostelle, à la peau couturée de cicatrices, timide se cache derrière une Gorgone puis disparait dans un mouvement gracieux derrière un relief.

Le sommet hérissé de Gorgones est atteint. Nous nous regroupons pour amorcer la remontée vers la surface. Un dernier regard sur ce monde merveilleux et insolite aux yeux du terrien et nous décollons lentement. Le Parachute de signalisation est envoyé. Quelques longues minutes plus tard, nous arrivons au premier Palier. Les minutes s'égrènent lentement, nous laissant le loisir de nous remémorer la plongée. Pour nous distraire, une Salpe vient nous rendre visite.