Novembre 2023

C'est par une fraiche matinée de novembre que nous mettons le cap vers un sec exceptionnel quelque part autour des îles d'Hyères. Le ciel voilé se reflète dans la mer lui donnant une teinte pas très engageante. Un pâle soleil n'arrive pas à nous réchauffer. La surface est encore animée par une houle d'Ouest, résultat du vent constant de ses derniers jours. Au loin, les trois grandes îles nommées par Pline l'ancien (Histoire naturelle, III, 79) : Prote (île de Porquerolles), Mese (île de Port-Cros) et Hypaea (île du Levant) sont légèrement brumeuses.

Après nous être lourdement équipés, nous basculons par-dessus bord en direction du fond. La descente est suffisamment longue pour nous permettre de mettre en oeuvre le matériel de prise de vue sans oublier de faire passer les oreilles, surveiller son binôme, mettre de l'air dans le gilet stabilisateur, vérifier la profondeur... Le fond se matérialise sous la forme d'un relief imposant bordé de toute part par des flancs abrupts recouvert d'une végétation sous-marine exubérante.

Le sommet est une véritable forêt dense de Gorgones pourpres aux polypes blancs dont certaines hébergent un Gorgonocéphale. Au milieu des ramures, des fils de pêche en nylon, de plus en plus nombreux au fil du temps, appelle le plongeur à la prudence. Quelques Anthias vont et viennent au-dessus, prêts à trouver refuge sous les frondaisons à la moindre alerte. Après quelques instants, nous piquons vers le fond en suivant l'un des côtés du sec.

Un énorme banc d'Anthias de plusieurs centaines d’individus nous accompagne. Ce sympathique petit poisson carnivore vit en harem au sein duquel règne une hiérarchie bien établie. Chaque mâle possède cinq à dix femelles. Devant nous, un filet abandonné est emmailloté par les concrétions. Les Anthias n'hésitent pas à passer entre les mailles pour trouver un refuge entre le filet et la paroi. Plusieurs organismes ont trouvé sur les ralingues et les mailles un support idéal pour se développer. Éponges cavernicoles jaunes, Gorgones, pourpres, Éponges encroutantes... globalement des espèces qui ne tirent rien de leur support.

Le substrat héberge une splendide Gorgone verruqueuse d'une blancheur irréelle qui est entourée par des Gorgones jaunes et des Gorgones pourpres. Accroché comme en apesanteur sous une saillie rocheuse, un Oursin melon est suspendu. Nous remontons lentement le long des flancs du relief. En levant la tête, nous voyons un banc de Bogues, éclairs argentés dans le bleu, passer rapidement en direction du fond. Légèrement au-dessus d'un palier rocheux une Anémone buissonnante blanche est fixée à la paroi rocheuse. Sur le palier, une anfractuosité accueille une Galathée rose qui observe des petites crevettes d’un air gourmand.

Noire comme la nuit, le corps ponctué d'étoiles blanches, c'est une Holoturie noire qui est posée délicatement sur un support recouvert par les éponges orange encroutantes. Un Gorgonocéphale nous fait signe. Accroché à une Gorgone pourpre, il est en chasse dans le léger courant.

C'est le moment d'envisager notre retour vers la surface, l'eau étant assez fraiche. C'est sûrement la dernière plongée de la saison en combinaison humide. Direction le sommet du sec. De nombreux fils de pêche sont entortillés dans les Gorgones. Les Bogues nous accompagnent un temps puis nous abandonnent. Le Parachute part vers la surface dans un nuage de bulles. Nous finissons par atteindre le premier des Paliers. Le Pendeur descend vers nous. Il ne nous reste plus qu'à éliminer l'excès d'azote.