Août 2023

Nous croisons fréquemment, sur les belles roches sous-marines autour des îles d'or, des filets fantômes et des fils de pêche de toutes sortes. Cette pollution, invisible depuis la surface, est malheureusement très présente. Les filets de pêche se fabriquent avec un plastique très résistant compte tenu de leur utilisation. De fait, ils mettent très longtemps à se dégrader. Au début de leurs pertes, ils continuent de pêcher aveuglement, capturant inutilement des poissons, écrasant les éponges et arrachant Gorgones. Toutefois, suivant l'emplacement, ils sont colonisés, plus ou moins rapidement, par les organismes marins qui petit à petit vont s'en servir comme support. Ils deviennent, après avoir été des mailles de mort, des mailles en vie.

Les bulles de nos expirations rythment la descente. Le bleu méditerranéen a fait place au bleu nuit. Le fond est toujours absent, la surface un souvenir lointain. Nous continuons notre voyage vertical en prenant soin de faire passer nos oreilles et en surveillant nos partenaires de Palanquée. Les éclairs argentés des Bogues striant l'espace sont le premier signe de l'arrivée imminente du fond marin. Nous ralentissons notre chute afin de ne pas percuter le sol.

À notre gauche, le long de la paroi du sec, accrochés solidement depuis le sommet, les restes d'un filet descendent en une longue cascade de fils enchevêtrés jusqu'au sable situé sur une terrasse en contrebas. C'est toute une vie qui a élu domicile sur cette toile arachnéenne gigantesque. Coquillages, algues, éponges et même Gorgones, c'est à qui occupera le plus de place. Combien de temps faut-il à mère nature pour atteindre une telle densité de population ? Mystère !

Bogues et Anthias forment un nuage coloré et mouvant autour de l'engin de pêche abandonné, semblant le narguer. Sur la paroi abrupte, les Gorgones pourpres étalent leurs ramures perpendiculairement au support et verticalement par rapport à la surface afin de mieux capter les particules que le courant apporte. Il y a même des Oursins melons qui jouent aux équilibristes. Devant une cavité, sur une petite terrasse sableuse, une Galathée rose curieuse nous observe de ses yeux ronds et saillants. Elle agite ses antennes et exhibe fièrement ses pinces fines. À quelques distances, nous retrouvons l'autre extrémité du filet qui remonte le long des flancs du relief, lui aussi colonisé et suspendu à la roche.

Nous traversons le palier constitué de sable et de roche, précédant une nouvelle chute vers le fond. Il est recouvert par les Gorgones pourpres aux extrémités jaunes. À l'intérieur de cette mini forêt, des Rougets-barbets se faufilent adroitement, passant de Gorgone en Gorgone, au ras du sol, à la recherche de nourriture. C'est à nouveau la descente le long d'une paroi verticale, elle aussi recouverte en partie par un autre filet abandonné. L'épaisseur de l'enveloppe réalisée par les concrétions est étonnante. Elle est tellement dense que les mailles sont comme avalées à certains endroits. Ce type de filet doit rester sur le fond, car essayer de le remonter détruirait à coup sûr la vie sur lui et aux environs.

Quelques Gorgones de grande envergure, orientés parallèlement à la surface, servent de lit à des Chapons. Elles sont très fournies, en rangs serrés ne laissant presque pas de place aux autres organismes. Sur certaines des Oeufs de Roussettes sont accrochés. Accompagnés par un nuage d'Anthias, nous commençons notre remontée dans un premier temps vers le sommet du sec puis vers les Paliers. Serrans chèvres, Anthias et Bogues nous accompagnent dans cette longue ascension.