Décembre 2023

Nous embarquons sous une légère bruine de novembre. La mer est triste et sombre d'une sale couleur grise. Il faut être complètement mordu pour songer à plonger par un temps pareil. La houle est bien marquée. Nous prenons la direction de la petite passe. Quelques minutes après notre départ, et contrairement aux prévisions météo, le vent forcit. Les vagues ont l'écume aux lèvres comme si elles étaient atteintes de la rage. Notre frêle esquif danse sur les flots et nous secoue en tous sens. Que faire ? Nous décidons de nous rabattre vers le Grand Ribaud pour être un peu à l'abri.

Bascule et descente se font en un seul temps pour éviter de se faire emporter par le courant. Dès la première dizaine de mètres, nous entrons dans un autre monde. La faible lumière du jour disparait rapidement. Plus de repère ni vers le haut ni vers le bas, juste des particules flottant à la dérive dans une eau laiteuse. Le fond apparait comme à travers le brouillard. Nous arrivons en douceur sur le fond et commençons notre exploration.

Sur un fond de sable clair, une petite excroissance rocheuse accueille en son sommet une Anémone verte telle une chevelure désordonnée qui danse dans le vent. Des feuilles de Posidonie arrachées par le courant servent de barbe à notre caillou chevelu. Sur la plaine sableuse, c'est un ballet de feuilles fraiches emportées par les flots qui glissent et virevoltent sur une hauteur d'un mètre environ. Solidement arrimée une Anémone charnue résiste vaillamment aux flots tumultueux. 

Nous nous laissons emportés. Le fond défile sous nos masques régulièrement. Devant nous un Poulpe est étonné de nous voir. Il prend la fuite tranquillement pour éviter notre présence. Dans notre dérive, nous croisons un Grand hydraire plumeux profond qui a aussi quelques feuilles de Posidonie accrochées à lui. Plus loin c'est une banale Étoile de mer rouge qui a pour voisin un Oursin granuleux. 

L'Étoile de mer, rien de plus commun me direz-vous. Oui, mais lorsque vous la filmez avec un objectif pour la macrophotographie, elle prend une tout autre dimension, laissant apparaitre mille détails comme ses "Podias" qui lui permettent de se déplacer ou la texture granuleuse de sa peau. Ce qui est vrai pour l'Étoile de mer l'est aussi pour l'Holoturie tubuleuse que nous rencontrons juste après. L'écran de la caméra se transforme vraiment en une loupe sous-marine nous permettant de voir tout un petit monde jusque là invisible.

Surgissant tel un diablotin de derrière une feuille de Posidonie, une Flabelline mauve fait de l'acrobatie. À son échelle, 3 à 5 cm, chaque déplacement est une véritable aventure en forêt tropicale. Elle longe des Valonies grosses bulle, algues vertes ressemblant à des perles brillantes. Un bouquet de Parazoanthus éclaire de sa couleur jaune vif les flancs d'un petit relief. 

Sur le sable la redoutable Étoile de mer glacière est en train de dévorer un Oursin granuleux. Ses longs bras l'entourent étroitement ne lui laissant aucune échappatoire. Sur notre chemin, nous croisons encore une énorme Éponge fétide qui héberge une grosse Ascide blanche. Malgré notre combinaison étanche, la fraicheur commence à se faire sentir l'eau étant à quinze degrés.

Nous décidons de poursuivre pendant quelques minutes, mais la fin de la plongée est proche. Le courant nous entraîne au pied d'un relief plus important sur lequel est accroché un beau Spirographe qui balance sa chevelure branchiale de gauche à droite au rythme des flots. À ses côtés, une Gorgone pourpre et un Oursin diadème forment un beau tableau subaquatique.

Il est temps de commencer notre ascension vers le premier Palier. Le Parachute s'envole vers la surface dans un nuage de bulles énervées. Notre Palanquée quitte le fond lentement. Plusieurs minutes d'immersion nous attendent encore avant de pouvoir rejoindre le pont du bateau.