Après une heure de navigation et un arrêt au port du Lavandou pour faire le plein, nous voilà enfin à pied d'oeuvre. Nous sommes, aujourd'hui, avec des plongeurs catalans et lillois sur le bateau de Plongeeo . Nous basculons, dès que la bouée qui signale le Togo est à notre portée. Une descente rapide le long du bout qui relie la surface à l'épave nous amène directement sur l’immense carcasse de métal.
Le Togo est une épave, sombre, fantomatique, inquiétante, dégageant une impression lugubre. Elle est posé, du moins pour sa partie avant, sur le fond sableux, droite, en position de navigation et s'enfonce, année après année, inexorablement dans la vase. L'eau est très chargée en particule donnant l'impression qu'il neige sur l'épave. Nous poursuivons notre descente, dans une ambiance crépusculaire, lentement, jusqu'au sable, le long de l'étrave. Les flancs du navire sont chargés de Gorgones rouges, anémiques, par rapport aux Gorgones qui habitent le Donator. Comme le Togo est planté dans le sable, n'offrant aucun abri à la faune à sa base, il n'est donc pas très intéressant pour le plongeur de rester sur le fond. Nous remontons donc le long du flanc bâbord vers le pont.
Le ballet des Anthias et superbe en contre-jour. Les Gorgones se détachent elles aussi sur le fond bleu, hirsutes, noires, recouvertes en partie par des particules qui leur donnent un aspect sale. Nous sommes ici proche d'un décor pour Halloween. De nombreuses Éponges cavernicoles jaunes colonisent le métal. Sous nos palmes, défile la carcasse qui nous expose ses entrailles, le pont en bois ayant depuis longtemps disparu. Nous arrivons sur un treuil énorme qui demeure en place. Un petit Mérou fait une apparition furtive. Abandonnant le treuil, nous nous dirigeons vers les coursives. C'est l'un des endroits le plus photogénique.
Il est maintenant temps de quitter le royaume de Neptune. Notre ascension commence le long du même bout qui nous a guidés vers le Togo. Premier palier pendant lequel une splendide Leucothéa nous tient compagnie.
1882, c'était l'époque charnière entre la voile et la vapeur. Les nouveaux bateaux étaient à propulsion mixte. Le Togo s'inscrit dans cette histoire. Construit en Angleterre, par les chantiers Thompson & Sons, pour le compte d'une compagnie française du Havre, c'est sous pavillon français qu'il effectue ses premières navigations, sous le nom de Ville de Valence.
Pour l'époque, c'était une belle unité de soixante-dix-huit mètres de long pour dix mètres de large et cinq mètres de tirant d’eau. Solidement motorisé par machine à vapeur de 2 cylindres Compound de 208 cv alimentée par une chaudière, il pouvait atteindre une vitesse de 10 nœuds avec son hélice à 4 pales. Il portait en plus un gréement de trois-mâts goélette.
Il assurait la ligne France, Madagascar. Il transportait des fruits. Il change de pavillon en 1905 et devient Italien sous le nom de Amor. En 1912, il est racheté par une autre compagnie italienne et est baptisé : Togo.
Naufrage
Il rencontre son destin le 12 mai 1918 aux premières heures de la journée. Il navigue alors en convoi chargé de 1800 tonnes de charbon en vrac. Le convoi est repéré en début de nuit par le sous-marin, poseur de mines, UC 35, commandé par le capitaine Hans Paul Korsch, qui le prend en chasse. La mer est belle. Le ciel est couvert, l’horizon légèrement brumeux.
Silencieusement, le UC 35 manœuvre pour se placer en bonne position pour le tir. Le premier navire du convoi qui va passer à sa portée sera le Pax. À 1h35 il tire une torpille. Touché, Le Pax est envoyé par le fond. Dans le convoi, c'est la panique générale. Les vapeurs quittent la formation. C'est le sauve-qui-peut tandis que les patrouilleurs se lancent à la poursuite du sous-marin. Celui-ci échappe facilement à ses poursuivants en plongeant. Deux heures plus tard, le UC 35, qui a fait surface, repère un cargo qui s’enfuit vers la côte pour trouver un l’abri. C'est le Togo. Il le prend immédiatement en chasse. C'est une cible facile pour lui ! Le Togo est éclairé par le phare du cap Camarat. 3h30, la torpille quitte son tube et fait mouche quelques secondes plus tard contre l'arrière de la coque du cargo qui coule rapidement. Nous ne savons rien de ce qu’il est advenu de la vingtaine de membres de l'équipage.
5 jours plus tard, le 17 mai, le sous-marin UC35, à son tour est envoyé par le fond au sud-ouest de la Sardaigne par l’escorteur Ailly.
Toujours auréolées de mystère, les épaves englouties de bateaux sont pour certaines fantomatiques dans leurs aspects et pour d’autres empreintes d’une rêverie mélancolique voire, pour quelques-unes complètement fascinantes. Le Togo appartient certainement à la première catégorie.
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