Un léger courant d'Est de surface nous incite à descendre le long du long bout, qui relie la bouée de surface à l'épave, afin d'être certain de ne pas nous perdre dans l'immensité sableuse qui l'environne. L'eau est claire pour cette journée de décembre au ciel azur peuplé d'un unique petit nuage loin à l’Est. La température extérieure est plutôt fraîche. Nous sommes loin des chaleurs estivales. Le contact avec l'eau est par comparaison agréable tant sa température est plus chaude que celle de l'air.
La descente se termine, proche de la cassure avant, que nous laissons derrière nous. À main gauche, les flancs vieillis du Donator défilent lentement tandis que nous nous approchons de l'hélice. Certaines tôles sont manquantes laissant entrevoir les entrailles du pinardier. Le regard, à travers les poutrelles métalliques torturées, peut même traverser l'ensemble et voir les Gorgones qui s'épanouissent sur le flanc tribord.
Au-dessus de nous, des milliers d'Anthias, de Castagnoles et de Bogues tournoient autour de la montagne d'acier. Au sol, quelques Gorgones faméliques essayent tant bien que mal de survivre, accrochées aux morceaux de tôles éparses qui gisent dans le plus grand désordre. L'hélice, figée à jamais, est entièrement recouverte par les concrétions. Les bords du gouvernail sont hérissés de Gorgones qui, petit à petit, en masquent la forme initiale.
En s'écartant sur le sable, la poupe du Donator apparaît dans toute sa beauté. Masse sombre, perlée d'Anthias et de Bogues, tranchant sur le bleu intense des fonds sous-marin, elle écrase par sa taille le plongeur qui la contemple. En remontant lentement à la hauteur du pont, nous faisons la connaissance d'un beau Mérou. Celui-ci, à notre approche, prend tranquillement la direction de l'avant. Nous le suivons, à distance, au milieu d'un nuage d'Anthias.
Nous dépassons le mât arrière, dont il ne reste plus que la base, autour duquel subsistent de part et d'autre deux citernes à vin solidement arrimées au pont, transformant le Donator en l'un des premiers cargos modernes à avoir transporté du vin autrement qu'en barriques. Trois Mérous sont là, batifolant devant un trou dans le pavois, laissant entrevoir dans le bleu un nuage de Sars à têtes noires. Ils cherchent rapidement un refuge entre le pont et la citerne bâbord.
Nous nous rapprochons de l'arrière du château avant. Sa forme sombre et angulaire est animée par un banc de Sar à têtes noires dont la livrée lance des éclairs lorsqu'elle accroche les rayons lumineux de nos phares. C'est maintenant le temps de la remontée que nous commençons de concert. Le Parachute est envoyé en surface et signale ainsi notre présence aux équipiers de surface.
La compagnie Schiaffino frères, spécialisée alors dans le service côtier est créé en 1874. Cette compagnie appartenait à la famille Schiaffino, les bateaux étaient d'ailleurs souvent baptisés du nom des membres de la famille.
Monique Schiaffino, Rose Schiaffino, Louis-charles Schiaffino, Antoine Schiaffino... et bien sur le Prosper Schiaffino.
Cette compagnie possède vingt bâtiments en 1939 mais en perd 19 pendant la seconde guerre mondiale. Ce qui fait qu’à la fin des hostilités, le seul rescapé est le Prosper Schiaffino, qui assure le transport du vin entre l’Algérie et la Métropole.
Le Prosper Schiaffino est long de 78 m pour 12 m de large, il pouvait filer 14 à 15 nœuds propulsé par une machine à triple expansion de 1800 CV. Lorsque la famille Schiaffino l'achète, il est transformé en pinardier. Il est équipé de 4 citernes sur le pont, faisant ainsi partie des premiers cargos modernes à avoir transporté du vin autrement qu'en barriques.
Le 10 novembre 1945 il fait route vers Marseille. Lorsqu'il arrive dans les parages du sud de Porquerolles, son capitaine monsieur Baillet, ordonne à ses hommes d’observer la plus grande vigilance car il reste des mines en Méditerranée.
Ce jour là, le mistral souffle, la mer est forte. A 13h10 une énorme explosion retentit. Le cargo vient de heurter une mine par bâbord avant, la proue est quasi détachée du reste de la coque ne donnant aucune chance au bateau. L’eau envahit le navire, la poupe se soulève rapidement. Ne pouvant mettre les chaloupes à la mer, l’équipage, composé de 29 marins, se trouve dans l’obligation de se jeter à l’eau.
Par chance un avion de la R.A.F, témoin du drame, alerte les secours sauvant ainsi 27 hommes, alors que 2 sont portés disparus.
Les épaves englouties ont toujours fait rêver les petits et les grands. Mystérieuses et attirantes, elles sont aussi devenues, au fil du temps, un habitat précieux pour la faune sous-marine. Le Donator en est un des plus beaux exemples avec ses superstructures nimbées par les sars à têtes noires, les anthias, les castagnoles, les bogues et autre mérous, dentis ou sérioles.
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