C'est par une belle journée de fin d'automne que nous prenons la direction d'un site que nous n'avons pas visité depuis au moins un an. Le ciel d'un bleu pur surplombe une mer qui ondule langoureusement, encore marquée par une houle d'Est, dû aux mauvaises conditions météo des jours précédents.
Nous brisons le miroir liquide de la surface, nimbés par un nuage de bulles et prenons la direction du fond. La descente dans le bleu est toujours un moment intense. Il faut penser rapidement à une multitude de choses comme : équilibrer les oreilles, envoyer de l'air dans le gilet stabilisateur, surveiller son binôme, mettre en oeuvre le matériel pour les prises de vues et l'éclairage, gérer la vitesse de descente et enfin se stabiliser juste au-dessus du fond sans toucher celui-ci.
La surface disparait. La lumière décroit progressivement. La pression augmente. Nous sommes maintenant dans le bleu sans aucun repère. Il n'y a plus de haut et plus de bas. Nous sommes en état d'apesanteur liquide. Après un certain temps, le fond se matérialise progressivement. Il est temps de commencer la plongée.
Le paysage qui s'offre à nous est un fond de sable grossier duquel émergent par endroit des langues de roche très longues et basses. Dans le lointain, des poissons aux reflets argentés, Mendoles, Picarels ou Bogues, difficile à dire, survolent le lieu en bancs épars. Sur les reliefs des petites Gorgones pourpres ployant sous les Oeufs de Roussette concrétionnés frémissent dans le léger courant.
Il faut laisser l'oeil s'accoutumer à la pénombre bleutée et se remémorer rapidement les espèces susceptibles de vivre dans ce type d'environnement afin de mieux déceler leurs présences. Au raz du sable dans un petit trou une Murène interrogative nous regarde venir. Sur le sable plusieurs Bonellies à la trompe très longue et fourchue, proche des 2 mètres, prospèrent.
Une Anémone charnue est accrochée aux aspérités, à l'abri d'un rehaut dans une fente de la roche. Elle attend le passage de petits poissons, de mollusques ou de crustacés pour en faire son ordinaire. À quelques distances de là, dans un trou, un Congre est amoureux d'une Murène. Il a posé délicatement sa grosse tête sur le corps de sa partenaire qui ne semble pas gênée par cette promiscuité.
Nous nous dirigeons vers le sable, abandonnant les nombreuses langues de roche. Un peu à l'écart, une Gorgone supporte sans broncher le poids d'une grosse Araignée qui l'enlace de ses pattes grêles. Nous arrivons sur un fond recouvert de Laitue de mer et de débris variés. Un étrange gastéropode, l'Ombrelle, se meut avec lenteur, enjambant les obstacles au ralenti, dignement. Quelques Oursins lance rouge se sont regroupés à l'ombre d'une grosse Laitue de mer.
Le temps de la remontée vers la surface est maintenant arrivé. Nous décollons du fond et nous nous préparons à effectuer les indispensables Paliers de décompression à l'abri sous le bateau, accrochés au Pendeur que l'équipier de surface a immergé.
L'ombrelle est un être étrange. Son corps est ovale, haut et verruqueux. De couleur marron, orange ou jaune, avec des tubercules inégaux et plus clairs, souvent blanc grisâtre. Il se déplace avec un train de Sénateur.
Il affectionne les fonds sablo-vaseux près du coralligène et des roches. Il est capable de s'enfouir sous le sable ou au cœur d'une éponge qu'il a creusée.
Sa nourriture de prédilection ? Justement les éponges. Pour les dévorer, il écarte son manteau fendu en deux vers le devant et entoure l'éponge afin de la brouter avec sa langue râpeuse, la radula.
Sa reproduction n'est pas très connue.
VIE-SAGE DU SABLE
Comme sur terre, en plongée, il est des sites qui sortent du commun. Certains par la quantité de vie présente, d'autres par le relief et l'ambiance et enfin, quelques-uns par la simplicité et l'austérité du lieu. Celui de cette semaine fait partie sans conteste de la troisième catégorie. Sable et roches basses se mêlent et s'entremêlent sur une grande surface rendant possible l'épanouissement d'un écosystème.
