Toujours attirés par l'imprévu, l'inattendu, nous décidons de plonger sur une zone à la limite entre la vie sur la roche et la vie sur le sable. Dans cette zone tridimensionnelle aux frontières incertaines, nous pouvons côtoyer différentes sortes de vie toutes plus étranges les unes que les autres.
Après une descente vertigineuse, nous arrivons, en ce mois d'août, en toute indiscrétion, en pleine parade amoureuse au pied d'une belle roche. À perte de vue des centaines de formes plus ou moins hexagonales sont sculptées dans le sable. Au milieu de chaque forme, un mâle Picarel. Chacun, à grand coup de queue, repousse le sable afin d'obtenir un nid. Au-dessus, les femelles très excitées tournoient. Un Saint-Pierre en grande tenue joue au voyeur en survolant cette bacchanale.
Nous laissons derrière nous cette agitation amoureuse et partons en exploration sur le sable. Celui-ci est assez grossier. Une belle Pennatule rose oscille dans le léger courant. Une très belle Vive colorée est contrairement à son habitude posée sur le fond et ne cherche pas à s'enfouir. À quelques coups de palmes delà, un Serpenton craintif nous observe puis lentement essaye de disparaitre dans son trou. Plus loin, un minuscule crabe orangé se tient bien droit sur ses pattes graciles.
Une Pennatule se déplace, en se mettant en boule, portée par le flux. Sa voisine, l'étoile de mer, possède trois pattes de taille normale et trois autres plus petites, séquelles de la violence de la nature. À la base d'un petit relief, un Poulpe rouge à taches blanches se recroqueville à notre approche.
Pour la seconde fois dans la même plongée, nous assistons à une scène classée X. Deux Pleurobranches tortue, hermaphrodites par nature, se poursuivent. Lorsque le second rattrape le premier, celui-ci pivote lentement sur lui-même. Ils sont maintenant tête-bêche afin de présenter au partenaire le côté droit. C'est là, sous le manteau, juste devant la branchie, que les organes génitaux mâles et femelles, fonctionnels en même temps, se trouvent. Ils échangent réciproquement des gamètes mâles. La fécondation se fait en interne et chaque individu peut ensuite aller pondre de son côté.
Nous remontons à présent vers la surface et le premier palier. Notre parachute permet au bateau de venir à notre aplomb. Ainsi protégés, nous entamons notre procédure de désaturation.
Ne rigolez pas lorsqu'un ami plongeur vous dit qu’il a vu des nids au fond de l'eau. Ces nids sont ceux que les Picarels construisent afin de protéger leurs progénitures. Les frayères de Picarels peuvent réunir des milliers de nids plus ou moins octogonaux côte à côte.
Le Picarel nait d’abord femelle et devient ensuite mâle, il vit en banc dans les herbiers et sur les fonds rocheux ou sableux entre 15m et 200m de profondeur. Il assure son quotidien en mangeant des petits crustacés microscopiques, des vers et des mollusques.
Lors de la période de reproduction en fin d’hiver et au printemps ils se rassemblent en grand nombre sur le fond sableux. C'est alors que les mâles construisent des nids de forme octogonale en utilisant leur nageoire caudale. Ils incitent ensuite une des femelles nageant au-dessus à pondre au centre de leur nid. Chaque femelle pond entre 3000 à 10000 œufs selon son poids. Le mâle reste sur le nid pour les ventiler, les protéger contre les intrus. Les alevins naissent au bout de deux semaines.
Sur les zones sous-marines en trois dimensions, aux frontières incertaines, là où se termine la roche et où commence le sable, deux styles de vie se côtoient et se mélangent. D'un côté, la vie discrète sur le sable de l'autre la vie exubérante sur la roche.
GRATUIT ET SANS INSCRIPTION
Enrichissez les pages de votre site avec notre contenu...
Contenu du site https://dive.explo360.fr mis à disposition
selon les termes de la licence Creative Commons Attribution 4.0 International
(CC BY-NC-ND 4.0). Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification