Le bleu sombre de la Méditerranée nous avale rapidement une fois de plus. La descente est vertigineuse. Nous évoluons au milieu de milliers de particules en suspension. Le temps parait se distendre dans cet environnement aqueux. La surface a disparu et le fond n'est pas encore là. La vitesse augmente avec la pression. Soudain, comme par magie, le fond se dévoile. Nous ralentissons en insufflant de l'air dans notre combinaison et dans notre gilet stabilisateur. Notre exploration peut commencer.

Nous sommes sur une plage de sable grossier entre deux pitons. Au-dessus de nos têtes, un bout recouvert de végétation traverse l'espace telle une liane. À sa hauteur, un ou deux petits Sars à tête noire nous observent. Un Serran chèvre semble curieux de faire notre connaissance. Posé sur le fond un Chapon joufflu essaye de paraitre plus gros qu’il ne l’est en réalité comme la grenouille de la fable. Soudain, jaillis du fin fond du néant, dans le faisceau de nos lampes, des éclairs argentés, déchirent le bleu sombre de cette nuit liquide. Ce sont des Bogues, qui tels des étourneaux, nagent de concert.

Nous avançons, roche à main droite, au-dessus des Gorgones géantes. Des Anthias, dans le plus grand désordre tournoient lentement. Niché sur une ramification un Gorgonocéphale ressemble à une pelote de fil tout emmêlé. Très affairé, un autre banc de Bogues passe devant nous. Impossible de savoir si c'est les mêmes que précédemment. Les Gorgones rouges aux extrémités jaunes sont omni présentes. Un Picarel mais plus probablement une Mendole (le Bogue partage souvent son habitat avec les Mendoles), difficile à différencier sous-l'eau, part chercher un refuge à notre approche.

Nous sommes dans un des plus beaux paysages sous-marins de Méditerranée. C'est une véritable forêt de Gorgones qui s’offre à nous, certaines dépassant un mètre de hauteur. Nous jouons avec la lumière pour mieux les admirer. Devant nous, elles se suivent à perte de vue. Où que porte le regard, vers le haut, vers le bas, devant nous, derrière nous c'est un enchantement.

La fraicheur de l'eau, malgré notre combinaison étanche, commence à se ressentir. Les paliers nous attendent, il est temps pour nous de remonter. C'est toujours un moment difficile que de s'extraire de cette contemplation et d'entamer le retour vers notre monde.

Quelques minutes plus tard, le parachute est envoyé vers la surface pour signaler notre présence au bateau. Celui-ci vient à notre rencontre et nous descend un pendeur auquel nous nous accrochons pour faire en toute sécurité nos paliers. D'aucuns prétendent que les paliers sont ennuyeux. Pour nous, c'est un moment intéressant de la plongée. Nous profitons de ce temps pour  repasser le film de notre plongée dans notre tête afin de bien l'ancrer dans nos souvenirs. En plus, nous rencontrons souvent des êtres étranges quasiment venus d'une autre planète comme le Pyrosome au palier de trois mètres.