Cette semaine, nous décidons de plonger à partir de la plage de l'Almanarre, paradis des véliplanchistes et kite surfeurs de tout poil. Almanarre ! C'est un nom à forte consonance arabe. En effet, jusqu'en 972, et pendant environ un siècle, les Arabes sont présents dans le var ce qui laisse quelques traces toponymiques sur notre territoire. À cette époque Giens était encore une île. Les Arabes, pour en signaler le détroit, avaient installé un phare sur le continent, à un endroit qui forme aujourd’hui le quartier de l'Almanarre. Almanarre provient d’Al manar : المنار, le phare en arabe.

Le départ à partir du bord est laborieux. Il n'y a pas suffisamment d'eau et de gros rochers ronds bien glissants pavent le fond et tentent traitreusement de faire, sans succès, choir le plongeur lourdement équipé. Après quelques mètres de reptation, la hauteur d'eau devient suffisante pour pouvoir enfin s'immerger. Le fond, parsemé de blocs rocheux, est recouvert d'algues rases, qui ondoient doucement bercées par un reste de houle. Des Sars à tête noire virevoltent au milieu des Crénilabres paon. Plus loin et plus profond, le sable remplace peu à peu la roche. Il est sculpté par les vagues qui modèlent sa surface en longues rides parallèles et sinueuses. Les Posidonies, d'un beau vert olive, sont agitées par le remous de surface. Elles colonisent l'espace, d'abord en rangs serrés, puis, de plus en plus clairsemées au fur et à mesure que la profondeur augmente. Dans les sillons sableux, creusés par les vagues, les pousses de l'année, d'un vert cru agressif, semblent avoir été semées là par un cultivateur sous-marin. Elles sont alignées comme à la parade. Cet ensemble danse à l'unisson au gré du flux et du reflux de la colonne d'eau. Plus loin, le sol est tapissé par les restes des feuilles de l'année précédente qui achèvent leurs lentes décompositions.

Dès que la roche est plus présente, les poissons le sont aussi. C'est tout un monde qui tourne et vire. Sars à tête noire, juvéniles et Crénilabres paon, aux lèvres protubérantes et charnues, dominent. Ils ont pour compagnie les Girelles. Dans les anfractuosités, des Anémones vertes, échevelées, de toutes tailles, sont solidement arrimées. Leurs tentacules urticants aux extrémités violettes fluorescentes battent la mesure en fonction des mouvements aqueux. Un instant un Sar à tête noire juvénile semble curieux de notre présence. Il nous observe d'un oeil rond, tourne et retourne, puis après réflexion s'éloigne. Une cohorte de Crénilabres entoure un petit bloc rocheux en forme de tête dont la chevelure algueuse est secouée en rythme de gauche à droite.

La température de l'eau est encore fraîche. Petit à petit, le froid d'avril s'insinue dans la combinaison semi-étanche. Il est temps d'amorcer le retour vers la plage, en longeant les restes immergés de l'ancien port de la citée Grecque d'Olbia la bienheureuse. Cette cité, fondée vers 325 avant notre ère, est le seul site archéologique sous-marin, connu, de France. Nous y consacrerons une plongée dans le futur.