Avec PlongeeO nous prenons la direction d'une épave que nous n'avons pas visitée depuis très longtemps : Le Ferrando. La mer visqueuse et sans relief, le ciel légèrement brumeux nous enveloppe. Le puissant semi-rigide nous amène rapidement sur les lieux où le 26 juillet 1893 le Ferrando a été éperonné par le croiseur Amiral Cécille.
Sur place nous recherchons quelques instants la bouée immergée indiquant l'emplacement du Ferrando. Nous finissons de nous équiper et basculons en direction de l'épave. Pas de courant, la descente est rapide, dans une eau toujours laiteuse, le long du bout sur lequel est amarré le bateau. De nombreuses particules sont en suspension et participe à la faible clarté de l'eau.
Nous arrivons au fond pour découvrir une épave déchiquetée, informe, éparse. Des tôles torturées, mangées par la corrosion et les concrétions, des poutres tordues, pointant désespérément vers la surface tels des doigts griffus, se détachent dans le bleu laiteux. Au premier regard il n'y a pas beaucoup de vie dans cet environnement lugubre et fantomatique et pourtant !
Première rencontre avec un Sar à tête noire dansant sur un fond de Castagnoles. Sur ce qui semble être un reste tenu de pont ou d'entrepont, un beau Chapon est à l'affût. Plus loin, au milieu de morceaux de métal épars, des Castagnoles et des Girelles tournoient. Sur le sable un beau Spirographe, est en chasse. Jaune d'or et blanc son panache branchial, qui ondule doucement, est de toute beauté. Rapidement avalées par le bleu laiteux, des structures métalliques se détachent en ombre chinoise. Un Crénilabre paon, de belle taille, nous indique le chemin. Nous le suivons au milieu des amas de tôles. Dans un trou, entre les poutres écroulées, un Congre, méfiant, nous regarde venir.
Épousant à la perfection un débris cylindrique une Étoile de mer épineuse se hâte avec une lenteur désespérante vers on ne sait quelle destination. En quelques vigoureux coups de palmes, nous survolons un fond de coque pour atteindre le lieu d'habitation d'une Murène. Devant nous des poutres se dressent dans le bleu vers la surface suggérant timidement la forme de la coque au milieu du ballet des Castagnoles. Au bout d'une bite d'amarrage, un autre Spirographe étale son panache. Les restes d'un filet sont encore enchevêtrés dans des morceaux de poutres. Dans ce qui ressemble à un écubier, un Congre et une Murène vivent côte à côte. Nous arrivons maintenant à l'étrave du cargo entièrement déchiquetée.
Cette plongée n'est pas profonde, mais il faut quand même songer à la remontée vers les paliers. Nous faisons demi-tour vers le bout qui nous donne le chemin vers la surface.
Le Ferrando était un cargo de 87 mètres de long sur douze mètres de large, construit en 1888. Chargé de 3000 tonnes de charbon, il naviguait ce 26 juillet 1893 en direction de Gênes sur la ligne Shields, près de Newcastle-On-Tyne, Gênes. À son bord un équipage de 25 hommes et 2 passagers. A cause d'une forte brise de nord-ouest le capitaine décide de se rapprocher de la côte et d'emprunter la petite passe entre Porquerolles et Giens. Soudain en ce début d'après-midi, sur son côté tribord, surgit de derrière les rochers des Mèdes, une escadre au grand complet participant à des manoeuvres.
Sur le Ferrando, c'est la surprise la plus totale. Dans l'affolement, l'équipage est surement trompé par les mâts des bâtiments de la Marine nationale donnant à ceux-ci un air de bateau mixte, voile et vapeur, peu rapide. Il sous-estime la vitesse du croiseur Amiral Cécille. Il est déjà trop tard, le capitaine du Ferrando a trop longtemps tergiversé. Le Ferrando évite de justesse le Cosmao en passant au raz de son étrave, mais ne peut éviter l'Amiral Cécille. Celui-ci l'éperonne par son tribord, malgré une ultime manoeuvre pour faire marche arrière.
Au niveau de la chaufferie du Ferrando c'est un désastre. Par une large brèche sur tribord, l'eau s'engouffre en torrent et éteint les chaudières. Le navire s'enfonce de l'avant. L’équipage du Ferrando est sauvé par les embarcations du Faucon et du Wattignies. Le jeune capitaine, d’une trentaine d’années, reste jusqu’au dernier moment seul à bord avec son chien. Il ne se jette à l’eau que lorsque le navire coule, une demi-heure plus tard.
Le Ferrando représentant un danger pour la navigation sera démoli partiellement par des scaphandriers.
LE FERRANDO
Si vous êtes adepte des ambiances métalliques, le Ferrando est fait pour vous ! Ici point de gorgones luxuriantes ni d'algues échevelées. Du métal déchiré, des poutres torturées pointant vers la surface dans une eau laiteuse enveloppant le Ferrando d'une aura de mystère.
