Décembre 2023

La saison du Triton est là ! Nous mettons le cap en direction de la zone où ils se reproduisent habituellement, dans l'espoir de découvrir une nouvelle facette de ces étranges mollusques. Les caméras sont préparées avec soin, de même que les éclairages indispensables pour restituer les couleurs du monde sous-marin. C'est un phénomène étrange lorsqu'on y pense. Pourquoi y a-t-il tant de couleurs sous l'eau alors que nous ne pouvons pas les observer sans l'apport d'un éclairage ? Les poissons ont-ils la faculté de les discerner ? C'est un sujet que nous aborderons sûrement un jour dans la rubrique "Progresser".

Nous nous descendons à la verticale dans un puits sans fond d'eau tendance nuit froide. Les particules en suspension sont nombreuses, dues au mauvais temps des jours précédents. Je suis dans un nuage de bulles blanches, éclatantes, que mon binôme situé en contrebas produit à chaque expiration. Un peu avant d'atteindre le fond, les flocons d'air sont soudainement remplacés par une explosion de milliers d'éclairs argentés. Nous traversons un banc serré d'alevins. Impossible de déterminer à quelle espèce ils appartiennent.

Le substrat est un mélange de sable et de Maërl qui s"étend à l'infini vers l'Est. À l'Ouest commence une barre rocheuse de faible hauteur qui s'étend en vagues successives et parallèles. Au pied du premier relief, nous rencontrons une énorme Araignée fièrement dressée sur ses longues pattes grêles, sûre de sa force. Elle déambule tranquillement en direction du relief qu'elle commence à escalader. Pas loin de là, un Gobie à joues poreuses posé délicatement sur ses nageoires pectorales l'observe d'un oeil rond.

Nous nous déplaçons le long de la barre rocheuse à la limite du sable. Souvent, il est possible d'observer dans cette zone des organismes intéressants. Là, c'est une Seiche qui a la vedette. Elle est en sustentation à quelques centimètres du sable. Nous nous observons mutuellement pendant plusieurs secondes, puis chacun reprend tranquillement le cours de sa vie. Nous survolons maintenant la barre de roche pour découvrir une petite Murène lovée dans la végétation, la bouche grande ouverte.


Fuyant à toute patte, un Pagure ou Bernard l'Hermite cherche un refuge pour nous éviter. Ce crustacé est un voleur de coquilles, qu'il squatte, pour protéger son arrière-train fragile. Revenons sur le sable. Une minuscule Sole commune est survolée par des alevins. Son mimétisme est impressionnant. Il faut être extrêmement attentif pour déceler sa présence, souvent trahie par le mouvement de ses yeux ou la frange de nageoire qui borde son corps. Soudain, elle se redresse pour happer un alevin.

Une Étoile de mer glacière déambule sur ses "podias" minuscules pieds munis de ventouses sous ses bras. À côté d'elle une enfilade d'Éponges rognons agrémente le paysage. Un Chapon prend la pose devant une Éponge fétide. Sous une roche plate, une faille accueille deux Murènes et un Congre. Curieux, ils sortent leur tête de leur cachette pour voir qui va là.

Enfin un Triton. Il est posé sur une roche à proximité d'une voûte de laquelle pend une grappe de tubes blancs qui doivent recevoir la ponte. Pour l'instant, ces tubes semblent vides. Ils sont recouverts de divers débris ressemblant à des grains de sable. Nous reviendrons dans quelques jours pour voir si la ponte a eu lieu. Encore une Seiche, mais celle-ci est en partie enterrée. Comme pour la Sole, des alevins inconscients du danger la survolent en rangs serrés.

Le temps passe très vite sous l'eau surtout sur une telle plongée ou les organismes sont présents en nombre. Nous décidons d'arrêter là notre exploration pour rejoindre la surface. Le Parachute s"envole. Nous le suivons, beaucoup plus lentement, afin de ne pas dépasser la vitesse de dix mètres par minute. Au premier Palier, nous rangeons le matériel de prise de vue afin de nous faciliter la remontée sur le bateau.