Avril 2024

Dans un récit mêlant tragédie maritime et mystère financier, nous avons récemment revisité l'épave du Ville de Grasse, un navire naufragé lors d'un tumultueux voyage entre Marseille et Nice. Transportant cinquante-quatre âmes ainsi qu'une précieuse cargaison de textiles, denrées coloniales et d'huile, le destin du Ville de Grasse bascula dans les profondeurs de la Méditerranée lors de la nuit funeste du 16 décembre 1851.

Vers 3 heures du matin, le navire fut violemment heurté par le "Ville de Marseille", dans la passe étroite séparant Porquerolles de l'île du Grand Ribaud. Presque sectionné en deux, il sombra rapidement, emportant avec lui quinze vies et sa précieuse cargaison.

Toutefois, la tragédie ne s'arrête pas là. Le "Ville de Marseille", sévèrement endommagé, réussit à secourir quelques naufragés avant de rejoindre en hâte Toulon, ses pompes fonctionnant à plein régime. Vingt-trois vies furent ainsi sauvées de cette nuit cauchemardesque.

Pourtant, au-delà du drame humain et maritime, une énigme persiste. Des documents retrouvés aux Archives de Toulon mentionnent la présence de 30 000 à 35 000 francs-or, ainsi que des bijoux parmi les effets personnels des passagers de classe aisée. Estimée entre 61 000 et 76 000 euros, la perte de la cargaison a suscité la naissance d'une légende : le trésor du Ville de Grasse.

À travers cette plongée dans les abysses de l'Histoire, nous espérons seulement rencontrer les nouveaux locataire de ce navire au destin tragique.

Notre descente rapide nous dépose au pied de l'épave, dans une eau chargée de particules, mais étrangement plus claire une fois au fond qu'en cours de descente. L'ombre massive de l'épave, dégradée mais encore imposante, demeure figée dans sa position de navigation, se détachant nettement du bleu environnant. Les squelettes des deux roues à aubes demeurent sur ses flancs, tandis que quelques bordées résistent, accrochées aux restes de membrures.

Contrairement à d'autres sites tel que le Donator, la vie sous-marine ici offre un spectacle moins exubérant. La découverte des organismes marins demande une observation minutieuse des anfractuosités et des débris. Notre première rencontre est avec un Homard de belle taille, qui nous inspecte sans crainte. Sur un support vertical, un splendide Spirographe prospère, son large panache déployé dans le léger courant. En nous approchant des roues à aubes, dont l'ossature est bien conservée, nous apercevons sur la droite, un peu au-dessus du sable, un banc de Rouget barbet qui s'éloigne rapidement.

Une Étoile de mer rouge apporte une touche éclatante dans cet environnement autrement terne. Quelques Pennatules ont élu provisoirement domicile à proximité, trouvant en ce lieu de quoi satisfaire leur appétit. Leurs polypes capturent les particules nourricières que le flux met à leur disposition. Elles sont accompagnées d'une Ascidie rouge, délicatement ceinte par une feuille de Posidonie.

Nous longeons le squelette décharné du Ville de Grasse pour arriver sur un second Spirographe, dont le panache se rétracte brutalement à notre approche, faisant osciller son tube longiligne. Un Serran chèvre nous tourne le dos, inspectant avec prudence un recoin sombre devant lui, où un énorme Congre a trouvé refuge. À ses côtés, un petit Apogon observe également ce redoutable prédateur gris argenté.

En levant les yeux, nous apercevons un Mérou nageant majestueusement entre les deux roues à aubes. Puissant et sûr de lui, il s'éloigne lentement en nous observant du coin de l'œil. Une Protule lisse attire notre attention, puis un Sar à tête noire en compagnie d'une Girelle.

Pour couronner cette plongée, avant de remonter à la surface, nous prenons un moment pour contempler l'épave dans son ensemble. Sous un soleil qui désormais doit être éclatant, nous observons le spectacle vivant des Anthias évoluant dans toutes les directions, ajoutant une touche colorée très plaisante à l'oeil.

Après une remontée sans histoire, les Paliers commencent. Nous ressentons dès les premières minutes la houle de surface qui nous malmène. La remontée sur le bateau sera surement difficile.