Le courant ligure, riche en nutriment, étant toujours présent, nous profitons de ce répit avant les froidures de l'hiver pour engranger confortablement des images sous-marines. Aujourd'hui, nous prenons la mer en direction d'un sec au large du Langoustier. La mer est tranquille, le ciel serein, c'est une belle journée automnale qui s'offre à nous.
Nous perçons la surface dans une gerbe d'écume et prenons la direction, Siu-Kwan ,Jean-Claude et moi, du fond dans une eau qui ne tarde pas à devenir bleu nuit. Cette couleur, qui est un bleu très sombre proche du noir, nous la découpons avec le faisceau des lampes de plongée pour faire surgir du néant des formes vives et colorées.
La longue descente à travers les particules planctoniques apportées par le ligure se termine sur un plateau recouvert par une forêt de Gorgones jaunes à perte de vue. Au-dessus de la plus haute des Gorgones, la toile bleu nuit du fond est striée par des centaines d'éclairs argentés. Pris dans la lumière, tel un vol d'étourneaux, les individus de ce banc entament un ballet rapide du plus bel effet.
Nous quittons le plateau pour continuer notre descente le long des flancs du géant sous-marin. D'énormes Gorgones pourpres à la ramure terminée par du jaune sont tous polypes dehors en quête de nourriture. Serrans chèvre et Anthias peuplent cette futaie verticale. Même sur le fond sableux, les Gorgones sont présentes, agrippées au Coralligène. Quelques Holothuries noires constellées d'étoiles blanches se prélassent au pied des grandes Gorgones.
Un banc de Rouget-barbet éclate, à notre approche, qui à droite qui à gauche dans une fuite éperdue. Plus loin, c'est un Serran chèvre solitaire défendant sont territoire contre l'invasion d’une bande d’Anthias venue en nombre lui disputer son espace vital. Une magnifique Éponge oreille d'éléphant au calice incomplet trône sur un petit monticule au pied du Coralligène.
Comme Alice au pays des merveilles, nous parcourons un jardin enchanté sous-marin. À la place du lapin blanc toujours affolé du roman, nous croisons une Gorgone verruqueuse d'une blancheur éclatante suivie d'une Étoile de mer commune. Nos avançons lentement dans la forêt "Gorgonesque" tout en réalisant des prises de vue. Dans une petite cavité, à moitié dissimulée par les Gorgones, des antennes battent la mesure. C'est une Langouste en armure rouge orange qui essaye de comprendre qui nous sommes.
Le temps nous est malheureusement compté. Il est temps de quitter ce royaume aqueux pour rejoindre notre monde. Direction les premiers Paliers, en respectant la vitesse de remonté.
Dommage que ce magnifique animal, d'un blanc immaculé, soit connut sous un nom qui n'envoie pas du rêve, "gorgone verruqueuse" ! Ce buisson au squelette corné et à l'arborescence très ramifiée, le plus souvent dans un seul plan, correspond en réalité à une colonie de centaines d’individus. C'est une espèce vulnérable et elle fait l’objet en Grande-Bretagne de programmes de surveillance et de protection.
Elle affectionne les fonds entre 40 et 100m en méditerranée, mais elle est beaucoup plus fréquente en Atlantique dès 10m.
La nourriture capturée par quelques-uns nourrit toute la communauté des milliers d'individus ou polypes qui constitue la colonie.
Chez les gorgones, les sexes sont séparés et la gorgone verruqueuse ne fait pas exception. La fécondation a lieu dans la cavité gastrique des femelles et donne des oeufs. La larve sort de la cavité gastrique pour aller se fixer sur un fond favorable.
BLEU NUIT
La lumière des phares de plongée transperce l'eau bleu nuit qui nous entoure. Bleu nuit, cette belle couleur, omniprésente, est une nuance très sombre de bleu, qui est proche du noir. Elle a été employée dans l'industrie de la mode dès le 19ème siècle. Ce bleu riche et profond était utilisé notamment pour teinter de belles étoffes de soie.
