Nous embarquons une fois de plus sur le puissant semi-rigide de PlongeeO , destination le Donator en cette belle matinée de mai. La mer est lisse, facile à naviguer. Notre embarcation fend la surface et laisse derrière elle une belle houache. La température de l'eau au palier de trois mètres est de 18° depuis quelques jours, en hausse lente mais régulière. De fait, nous sommes repassés à la combinaison humide.
Le Donator rien que pour nous ! Nous sommes le seul bateau sur la bouée qui signale l'épave. Un léger courant de surface venant de l'Est nous oblige à nous mettre à l'eau en amont de celle-ci. La descente dans le bleu laiteux est agréable, la température de l'eau diminuant progressivement.
Nous arrivons au pied du bout qui relie l'avant de l'épave à la bouée de surface, sur bâbord, légèrement à l'extérieur du pont. Lentement, nous coulons jusqu'au sable laissant défiler devant nous une cuve à vin fixée solidement sur le pont puis la coque métallique. Quelques Anthias font écran entre nous et la paroi d'acier. L'ambiance sous-marine est aujourd'hui irréelle, à la fois sombre et claire, tout en nuances de bleu. Notre nouveau matériel de prise de vue est heureusement capable de capturer et de restituer cette magnifique palette.
Nous allumons les phares de plongée pour tirer du néant les couleurs chatoyantes dont le métal se pare après un long séjour sous l'eau. C'est le brun rouille qui domine, ponctué, çà et là, par des tâches jaunes et oranges, relevées délicatement par le rouge. En fond, le bleu laiteux nimbe le Donator d'une lueur irréelle.
Sur le sable des Rougets-barbets semblent en attente d'un évènement qui ne viendra peut-être jamais. Ce qui fut l'étrave du Donator est maintenant un refuge pour Anthias, mais aussi pour une splendide Mostelle qui, très curieuse, sort de sa tanière pour venir nous saluer puis retourne d'où elle est venue.
Nous revenons doucement vers la cassure. Des tôles, silhouettes sombres et fantomatiques, se dressent vers la surface, dessinant sur le fond bleuté des formes escarpées. Les Gorgones, très dense, sont solidement arrimées le long de la coque que nous remontons à présent. Le long du bastingage, une foule d'Anthias nous attend en rangs serrés. Sur le pont, a coté de l'entrée d'une cale, des Mendoles virevoltent autour d'un Spirographe sous l'oeil d'une Girelle qui rapidement passe son chemin.
Au-dessus de nous, en contre-jour, se détachent des superstructures dont il ne reste plus que l'ossature. Soudain, un Mérou surgit devant nous et traverse l'espace le temps d'un éclair. Nous continuons notre plongée vers l'emplanture du mât juste avant le château arrière, sans rencontrer les Sérioles qui, tout au long de l'hiver, ont hanté les lieux.
Le temps passe très vite sur cette belle épave. Il est grand temps de retourner vers notre point de départ. Nous faisons demi-tour et prenons le chemin qui nous conduira vers notre premier palier.
La compagnie Schiaffino frères, spécialisée alors dans le service côtier est créé en 1874. Cette compagnie appartenait à la famille Schiaffino, les bateaux étaient d'ailleurs souvent baptisés du nom des membres de la famille.
Monique Schiaffino, Rose Schiaffino, Louis-charles Schiaffino, Antoine Schiaffino... et bien sur le Prosper Schiaffino.
Cette compagnie possède vingt bâtiments en 1939 mais en perd 19 pendant la seconde guerre mondiale. Ce qui fait qu’à la fin des hostilités, le seul rescapé est le Prosper Schiaffino, qui assure le transport du vin entre l’Algérie et la Métropole.
Le Prosper Schiaffino est long de 78 m pour 12 m de large, il pouvait filer 14 à 15 nœuds propulsé par une machine à triple expansion de 1800 CV. Lorsque la famille Schiaffino l'achète, il est transformé en pinardier. Il est équipé de 4 citernes sur le pont, faisant ainsi partie des premiers cargos modernes à avoir transporté du vin autrement qu'en barriques.
Le 10 novembre 1945 il fait route vers Marseille. Lorsqu'il arrive dans les parages du sud de Porquerolles, son capitaine monsieur Baillet, ordonne à ses hommes d’observer la plus grande vigilance car il reste des mines en Méditerranée.
Ce jour là, le mistral souffle, la mer est forte. A 13h10 une énorme explosion retentit. Le cargo vient de heurter une mine par bâbord avant, la proue est quasi détachée du reste de la coque ne donnant aucune chance au bateau. L’eau envahit le navire, la poupe se soulève rapidement. Ne pouvant mettre les chaloupes à la mer, l’équipage, composé de 29 marins, se trouve dans l’obligation de se jeter à l’eau.
Par chance un avion de la R.A.F, témoin du drame, alerte les secours sauvant ainsi 27 hommes, alors que 2 sont portés disparus.
Avoir une épave comme le Donator à portée de palmes toute l'année est une véritable chance pour le plongeur. Imaginez un instant le Donator pour vous seul ! C'est possible hors saison. Il nous faut en profiter encore une fois avant que la saison estivale ne commence. L'eau laiteuse en ce mois de mai doit nimber le Donator d'une aura irréelle faisant ressortir les tôles torturées par 77 ans d'immersion.
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