PLUS VERT AU FOND
Dix jours ! Depuis dix jours, la météo fait des caprices. Le vent est violent, il transforme le plan d'eau, habituellement paisible, en un liquide gris et visqueux où des vagues erratiques à la chevelure blanchâtre se croisent en tous sens. Des gerbes d'écume cinglent violemment la côte, essayant d'engloutir l'imprudent promeneur. Au premier plan, même les palmiers au tronc sombre se détachant en contre-jour, dansent une gigue désordonnée et semblent crier grâce face aux éléments déchainés. Les palmes s'envolent et finissent avec fracas sur la plage recouverte par les Posidonies que la mer sans pitié a arrachées brutalement du fond. Au loin, perdu dans la grisaille humide ambiante, le contour des stoechade devient flou, évanescent. Le ciel couleur plomb se fond avec la mer. Il est lui aussi tourmenté, boursouflé de nuages grimaçants. De temps en temps, un éclair illumine brièvement le paysage. Au loin le roulement sourd et inquiétant du tonnerre ajoute à ce décor une note angoissante. Nous sommes bien loin de la carte postale estivale.
Enfin, une brève accalmie d'une petite demie-journée pointe le bout de son nez. Elle nous permet de larguer les amarres à l'aurore et de faire route vers un lieu un peu à l'abri des derniers soubresauts erratiques de Mare Nostrum. Après une navigation pénible, déconseillée si vous êtes sujet au mal de mer, nous arrivons au pied de la falaise d'Escampo bariou. Nous sommes seuls sur site.
La plongée commence par la rencontre, sur un fond de Posidonies, d'un Crénilabre paon au profil ingrat de boxeur sortant d'un championnat. À notre vue, il s'empresse de piquer vers l'abri que constitue l'herbier. Un Sar commun file, lui aussi, pour un rendez-vous où il est en retard. Au milieu des Posidonies une Saupe solitaire cherche ses congénères. Dans l'herbier, comme jouant à cache-cache, notre Crénilabre nous indique la direction à suivre. Il se faufile avec grâce dans l'enchevêtrement dense des feuilles de Posidonies.
Après avoir contourné la pointe des Salis nous palmons en suivant le trait de côte. Un banc de Sars à tête noire se tient à l'abri de surplomb de roche. Dans une cavité, une belle Mostelle, un peu timide, nous tourne le dos puis s'enfonce dans les entrailles de la paroi. Un Sar commun juvénile passe en un éclair devant l'objectif de la caméra. Sa peau argentée lance des éclairs au contact du faisceau lumineux des lampes. Il pique vers le fond comme la plupart des poissons lorsqu'ils souhaitent s'éloigner d'un danger.
Une Girelle commune, c'est à dire une Girelle de sexe féminin par opposition à la Girelle royale de sexe masculin, nous observe placidement sur le fond. À côté d'elle, une splendide Anémone charnue se laisse bercer par la légère houle. L'extrémité de ses tentacules fushia n'est pas très marquée. À quelques coups de palmes de là, un Gobie à bouche rouge semble inquiet. Il nous regarde en se demandant si nous sommes un risque pour lui. Une Ascidie, toute de rouge corail vêtue, à la tunique coriace et granuleuse est agrippée à la roche.
Wendy qui nous précède nous fait signe. Elle vient de découvrir une énorme Gorgone orange, qui de loin dans cette eau laiteuse et trouble donne l'impression d'être du corail noir par la blancheur de ses polypes tous dehors. L'illusion est cependant de courte durée, car dès que nous nous rapprochons l'orange des tiges ressort. Le pied et la taille de se spécimen sont imposants.
Nous faisons demi-tour pour rejoindre le bateau. Un autre banc de Sar à tête noire fait du sur place, en pleine eau, à l'ombre d'une demi-arche rocheuse. Accroché à la roche, ne donnant vraiment pas envie d'être caressé, un Oursin diadème agite ses longs piquants. Un beau Poulpe surgit devant nous. Il lui manque un tentacule. Il se déplace gracieusement en épousant de son corps souple le moindre relief. Sa peau parcheminée est capable de se hérisser de pustules en un instant pour parfaire son camouflage. Quelques Apogons timides aux grands yeux ronds et tendres sont à l'entrée d'une faille prêt à s'y réfugier en cas d'alerte.
Nous remontons lentement en suivant le fond. Des Castagnoles paradent en nous survolant. Une Girelle et un Crénilabre cendré font la course. Nous arrivons au dessus de Posidonies et en dessous du bateau. Un banc de Saupe broute l'herbier. Encore quelques minutes pour effectuer nos Paliers et nous retournerons dans le monde terrestre.
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