Par une belle matinée d'août nous prenons la direction du Sally of New York, rebaptisé Cap Gros, petit remorqueur d'une vingtaine de mètres de long qui a terminé sa carrière, le 9 février 1995, sur un fond de sable quelque part à l'ouest de la presqu'île de Giens. C'est une plongée très technique qui nécessite une mer calme, un ciel dégagé et une bonne organisation au niveau de la sécurité des plongeurs.

Après avoir mis en place un fil d'Ariane, nous nous immergeons. Rapidement, la nuit des profondeurs nous engloutit malgré l'ardent soleil d'été et un ciel bleu azur. Curieusement, certains lieux de plongée sont plus sombres que d'autres dans les mêmes conditions météo et à profondeur égale. La longue descente se termine sur un fond sableux à une dizaine de mètres de l'épave, forme indistincte légèrement plus sombre que le bleu nuit qui nous enveloppe à présent.

En quelques coups de palmes, nous nous approchons pour découvrir un bateau trapu, posé sur le fond, en position de navigation, avec une légère gite sur bâbord. Nous ouvrons la nuit devant nous à l'aide de nos phares de plongée. Une aussière encore fixée à l'avant flotte entre deux eaux. C'est surement le câble de remorquage auquel était accroché le Sally of New York lors de son naufrage.

Un Chapon est posé sur le bastingage à la proue. Entre lui et la cabine de pilotage, un énorme cabestan est toujours à poste. Un nuage d'Anthias évolue lentement au dessus de lui. Toute l'épave est entièrement recouverte par une épaisse gangue de coquillages et d'algues rases d'un brun verdâtre. Nous passons sur le côté tribord et prenons la direction de la cabine de pilotage. Celle-ci a perdu depuis longtemps toutes ses vitres. Les Anthias entrent et sortent à leur guise de cette timonerie.

Nous dépassons l'emplacement de la porte de la timonerie, qui elle aussi a disparue, et prenons un peu de recul pour essayer de voir l'ensemble de l'épave. Peine perdue, l'eau est vraiment trop sombre. La lumière de nos phares est littéralement avalée au bout de quelques mètres. Nous sommes presque dans les conditions d'une plongée de nuit. Le nuage d"Anthias recule au fur et à mesure de notre avancée pour rejoindre la poupe.

Chacun vérifie régulièrement la présence et le comportement des autres plongeurs et ses instruments de plongée, ordinateur et manomètre, afin de ne pas dépasser le temps que nous nous sommes fixé avant de partir.

La poupe est largement renforcée et protégée, un peu comme les pare-chocs d'une auto-tamponneuse, par un rembourrage épais. La plage arrière est dégagée et protégée par des arceaux évitant l'accrochage intempestif de la remorque lorsque le remorqueur est en action. Toutes les superstructures sont rejetées vers l'avant, derrière la cabine afin de dégager l'espace.  

Nous nous regardons et prenons la décision d'amorcer la remontée. Décollage du fond et derniers regards vers ce qui fut un beau petit remorqueur. Il disparait très rapidement et nous nous retrouvons en pleine eau à gérer notre remontée. Fred lance son parachute pour signaler à Jean-Claude notre remontée en cours. Au bout de quelques minutes, nous voyons descendre vers nous le pendeur et les bouteilles de décompression. Les longs Paliers commencent nous permettant de revoir notre plongée tranquillement.